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 1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5 Bazancourt Verdun

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THANRON Bernard
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THANRON Bernard


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1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5  Bazancourt Verdun Empty
MessageSujet: 1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5 Bazancourt Verdun   1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5  Bazancourt Verdun EmptyLun 28 Mai - 17:23:54

1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5  Bazancourt Verdun 150802

          Bazancourt, 120 km en 17 heures, le 7 de moyenne arrêts compris a été respecté, nous en sommes agréablement surpris. Petit-déjeuner pris, crémés de la tête aux pieds, étirements réalisés, déroulés de pieds réalisés avec application, il est 6 heures du mat’, du lever au coucher du soleil avions-nous décidé de marcher, il en sera ainsi. Nous relançons avec ménagement  les mécaniques encore un peu engourdies, 6, 6.2, 6.5, le 7km.h est retrouvé puis dépassé. Notre fourchette de croisière en marche routière sera de 7.2 à 7.5km.h pour la journée, ponctuée d' embrasements incontrôlables de "faire une pointe" sur une ligne droite aguichante, goudronnée de noir et plate à souhait tel un billard, invitation séduisante à laquelle nous ne saurons résister à peaufiner nos foulées.
          Les fantômes du Chemin des Dames nous ont laissé aller, nous savons que d’autres vont venir à notre rencontre. 1ère nuit de guerre passée, le vent a viré au sud sud-ouest à notre entière satisfaction. L’alouette entrevue hier matin est revenue. 7.2, 7.5, nous sommes en mode Grand Fond direction Verdun pour plus de 100km.
Isles-sur-Suippe, septembre 14 , camp de repos allemand en 2e ligne. Les tirailleurs sénégalais y entreront après le retrait nocturne de l’occupant 4 ans plus tard le 11 octobre, à un mois de l’armistice.  Nous empruntons le trottoir avant de rejoindre le bitume de la D20. Panneau Rethel où nous ne passerons pas, mais là-bas, au bord des rives de l’Aisne, ils sont quelques milliers, allongés sous les pissenlits. Suivent Isles-sur-Suippe, Warmeriville occupées 4 années comme cette vallée de la Suippe que nous suivons. Warmeriville et son cimetière de 3151 allemands, dont plus de 400 proviennent des galeries à l’histoire terrifiante du mont Cornillet qui les a ensevelis asphyxiés d’un obus de 400, 700kg chargé de 140kg de tolite, effet destructeur garanti. Nous détournons par le centre-bourg, monument aux morts entre 2 canons du corps expéditionnaire russe passé par-là. Panonceau Deutscher soldatenfrieddhof  1914-1918 en lisière de champ, ils sont là, plus de 3000. La journée commence fort, nous soufflons.
          Plus loin, sur notre droite, par-delà les prés, les crêtes et les cimes des futaies, nous savons que Reims est là, derrière la colline de Brimont et son fort en plein bois, des dizaines de russes y sont tombés en vain. Lieu-dit Vaudétré, nous croisons l’ancienne voie romaine reliant Reims à Trèves ; deux plaques apposées aux murs des maisons du carrefour nous rappelle que ces romains, venus en charrois, à cheval… à pied d’au-delà des Alpes étaient de sacrés routiers marcheurs chaussés de leurs caligae lacées de cuir. Imaginant l’endurance demandée aux pieds romains, aucun d’entre nous ne fait de remarque désobligeante quant au confort de ses chausses ! Nous naviguons pédibus gambus dans 2000 ans d’histoire. Notre route passe au large de la grande ville champenoise et cette cathédrale à l’ange au sourire unique. Je pense à Albert Londres, reporter envoyé spécial du Matin, écrivant sur son calepin en septembre 14 « Elle est debout, mais pantelante. Le canon continue de jeter sa foudre dans la ville. Les coups se déchirent plus violemment qu'au début. Que cela peut-il faire maintenant ? La cathédrale de Reims n'est plus qu'une plaie.»
          J’ai regardé ma montre : il était 6 heures moins deux. Encore deux minutes, et ça va commencer. Quel vent froid ! Et si humide… Tiens, une tâche sur ma vareuse, je n’y avais pas pris garde depuis ma blessure. Ça doit être de l’encre. Hier j’ai rempli mon stylo. Où en est-on ? On ne voit pas Brimont, plongé dans la fumée. 6 heures moins une minute. 6 heures. Un grondement terrifiant déchire le voile de brume. Des milliers d’obus explosent dans le ciel. Le brouillard se mêle à la fumée. C’est parti… on voit des hommes sortir de terre et courir. L’espace d’un instant, la fumée d’éclatement masque une partie du chemin à parcourir, et on aperçoit des silhouettes noires sauter en l’air, puis retomber. Un bon nombre d’hommes rebrousse chemin, ils clopinent lentement, ce sont les blessés, tandis que les nôtres continuent à avancer.
Alexandre Zinoview Russe émigré en France pour participer au bouillonnement artistique du Montparnasse de 1910, engagé volontaire dans la Légion comme son ami Blaise Cendrars. il combat sur le Chemin des Dames. Il dépeint l'offensive du 16 avril dans le tableau intitulé : "L'Heure H du jour J".
          Panneau Aussonce, là-bas, à moins d’une heure de marche, 1400 allemands reposent, Pontfaverger-Moronvillers 135e km panneau La Neuville-en-Tourne-à-Fuy, à 7km, 1944 autres sous les croix. Nous avançons dans le no-man’s land, entre les premières lignes établies dans la terre à  l’époque, sur ces sols de front témoins de 4 ans d'attaques, contre-attaques, calme relatif, coups de mains, souvent pour rien.
          A notre droite le massif de Moronvillers est l’un de ces observatoires de cette ligne où tant sont tombés pour dominer et observer l'autre. Une ligne ininterrompue d’observatoires, du Nord-Pas-de-Calais et Notre-Dame-de-Lorette,  Vimy, le Chemin des Dames, Moronvilliers, Vauquois, Montfaucon et les Eparges pour se terminer autour de  l’Hartmannswillerkopf aujourd’hui nommée le Vieil Armand. Tiens, cela me rappelle que l’un des miens, Emile, coutelier à Nogent-en-Bassigny,  y est tombé le 26 mars 1915, annoté « disparu » sur sa fiche… volatilisé …, il n’avait pas 24 ans. Ce jour-là, ce Diable Rouge s’est envolé avec plus de 80 de ses copains diablotins dans l’assaut du belvédère dominant la plaine alsacienne. Je me suis attaché à sa tragédie et d’avoir recherché dans le journal de marche de son régiment, de lire et relire la journée du 26 mars, d’avoir décrypté la carte ign 1/25000 du lieu, puis été rôder sur les pentes ouest de ce Vieil Armand au nom autrement plus bucolique que « la mangeuse d’hommes », j’ai pu situer le dernier paysage entrevu par ce gamin. J’en suis redescendu bouleversé d’avoir enfin côtoyé son ombre de môme qui n’avait rien demandé.  
          La D20 continue, Béthéniville est atteint, à quelques encablures sur notre gauche, St Etienne-à-Armes, les allemands sont plus de 12500. St Hilaire le petit, les horizons ne changent pas, l’agriculture massive a chassé les fantômes américains passés ici en juillet 18. St Martin l’Heureux , 146e km, des éoliennes tournent au loin, c’est toujours moins sinistre que leurs centrales nucléaires ! La route suit le vallon de la Py, St Soupplet-sur-Py, 150e km, Ste Marie-à-Py, nous dominons quelque peu les lointains.
Nous abordons le front de Champagne et ses hécatombes. Souain Perthes-les-Hurlus au loin, dans cette direction après un ancien blockhaus allemand se trouve le monument pyramide de la ferme de Navarin 156e km, ferme-auberge dont il ne reste que son environnement tourmenté d’anciennes tranchées et autres trous d’obus,  reste rien que du vent, Ferme de Navarin - ce monument ossuaire renferme les restes de 10000 hommes  tombés sur le front de Champagne – Passants, Recueillez-vous ; ce que nous faisons, dans la crypte, des milliers de plaques familiales aux disparus . Emplacement de la ferme de Navarin, tout proche d'ici, le poète romancier Blaise Cendrars, engagé volontaire dans la Légion Etrangère est blessé le 28 septembre 1915, d’une balle de mitrailleuse à la main droite et amputé du bras. Il pu écrire de la main gauche rescapée « La main coupée »; de cet enfer, l'écrivain s'en était sorti diminué mais vivant et poursuivre ses poèmes récits et autres romans .
          Plusieurs autres "petits" cimetières alentours comptent…11600 noms, ils nous submergent. Proche de là, la nécropole de la Crouée détient plus de 30000 français dont à peine un tiers a pu être identifié, les allemands sont plus de 13000… Nous revenons sur nos pas. A l’approche de Sommepy-Tahure, un simple panneau informe le passant, cimetière militaire de Sommepy 500m…là-bas, écartés en plein  champs, 2200 français… plein vents, nous allons les visiter.. Il y a 100 ans, le paysage entier était bouleversé, quadrillé de tranchées effondrées, les arbres ? pas un à l’horizon, pulvérisés, aujourd’hui, pas d’arbres ou alors au lointain, culture industrielle oblige. Depuis, les tracteurs sont passés et repassés, ont rebouché, nivelé les disparus et leur histoire. Plus bas, à 4km, Souain et sa nécropole de la Crouée de 30734 victimes, les allemands à leurs côtés 13783 ; un monument à la Légion Etrangère et ses 130 noms…, Perthes-les-Hurlus n’existe plus, Tahure non plus.
          Sommepy-Tahure 162e km, un Marathon engrangé depuis Bazancourt, il n'est pas encore midi. A gauche, à 5km dans les champs, une hauteur boisée stratégique pour l'observation des horizons,  le mémorial américain de Blanc-Mont et sa tour-monument, ses anciennes tranchées et trous d’obus, plus de 6000 sammies sont tombés sur ces terres, nous nous y rendons en voitures avant de reprendre notre chère D20 direction Aure à 6km de là, les paysages désespérément agricoles s’offrent à nos regards, tristesse et désolation ! Les arbres ne sont pas admis ! Nous passons devant le monument des 170 et 174e RI et leurs drames, autour de nous, un plat pays où rien n’accroche le regard, qu’un horizon vide. Dernière borne de la D20 que nous nous quittons après en avoir parcouru 45km, changement de département changement de bitume ! Nous marchons en Ardennes. La noire D6 nous mène à Aure, 170e km, voici enfin un paysage de verdure entre bosquets et taillis ! nous bifurquons, la route serpente entre ombre et lumière, nous longeons le vallon de l’Allin, voici Manre et une petite chapelle envahie par la végétation à l’entrée. Ardeuil est atteint nous sommes au nord des tristement renommées buttes de Souain, Tahure et la sombre Main de Massiges aux 50000 victimes tous camp confondus…, mont Têtu…les sinistres ravins de la Faux et des Tombes. Nous marchons.  
Guillaume Appollinaire – lettres à Lou – 18 janvier 1916
…on s’habitue à la guerre, moi j’ai participé aux coups de chien de la cote 194 près de la butte de Tahure.
          Séchault, nous allons voir un monument dédié aux divisions américaines et « troupes de couleur »  engagées dans le coin à l’automne 1918 où les sammies-doughboys sont tombés dans ces champs aujourd’hui si proprement ordonnés. A la sortie du village, totalement perdus 6454 soldats allemands gisent. Non loin, au nord, sur les terres de St Morel Vouziers, un certain Roland Garros est tombé en combat aérien à bord de son Spad, des volontaires tchécoslovaques aussi…Durant les offensives de 1915 dans cette Champagne pouilleuse plus de 250000 hommes ont été tués…
          Direction Bouconville 180e km, Autry, parmi les bois, blockhaus et abris allemands sont perceptibles. Le paysage précédemment lassant change radicalement au profit de courbes agréables, de bois, nous entrons en Argonne ! 
          L’Argonne, depuis la révolution française, le massif apparaît comme « les Thermopyles » françaises. Ils y ont été des dizaines de milliers à s’y égarer, à y perdre la vie, certains à tenter de passer, les autres à tenter de les en empêcher. Nous avançons vers cet est dans invasions de la nuit des temps, à travers ces régions où celtes gaulois et germains se sont affrontés durant des années.
          Premières foulées en Argonne ; à notre verticale 20km à tire d’aile se situe Valmy, un autre siècle, une autre histoire, l’un de mes ancêtres devait s’y trouver avec ses copains bourguignons le 20 septembre 1792, l’histoire m’assiège. Nous franchissons l’Aisne, à l’abri d’ombrages., un oratoire blanc nous surprend mais cela en restera mystère. La route monte et nous voici bientôt entre deux champs. Peu avant Binarville, nous bifurquons sur Apremont-sur-Aire. Le carrefour est marqué d’un monument au 9e cuirassiers ayant libéré le village le 30 sept 1918. Notre route passe au nord en limite du bois de la Gruerie, épais et entrecoupé de multiples ravins où des milliers d’hommes ont été broyés en même temps que chênes séculaires et hêtres remarquables. Un ossuaire de 10000 non-identifiés y est érigé…1ère ligne de tranchée, 2ème ligne, ligne ennemie, il y avait même une ligne de précaution !  Les tranchées respectives  étaient parfois à 8m les unes des autres…et des noms si poétiques pour y mourir, Bagatelle, fontaine de Madame, fontaine aux Charmes, la Haute-Chevauchée, tranchée du bec de poule, Beaumanoir.
          Nous marchons, le doux ronronnement de la camionnette protectrice nous rappelle bien des souvenirs de compétiteurs. La D66 mène nos pas dans un bois tragique, il y en a eu tant et tant ! celui du « Lost bataillon ». La stèle de pierre est taillée de 7 casques sur lequel est posé le pigeon-voyageur « Cher-Ami » ayant permis leur dégagement, émouvant. Nous y déposons quelques fleurs champêtres. Des 554 américains qui ont pénétré ces bois en octobre 18, 194 en sont réchappés une semaine plus tard. La route débouche sur un plan d’eau en avant duquel une magnifique stèle rappelle le drame de ces sammies perdus. Cette charmante route serpentant en forêt domine des ravins auxquels étaient accrochés les américains cernés. Tennessee, New-York, ils sont morts dans ces bois perdus d’une Argonne pour eux inconnue.
          Forêts argonnaises, nous marchons quasiment silencieux, seuls nos froissements et nos souffles trahissent notre présence. Soudain, sur ma droite, je perçois des craquements, puis d’autres puis sur ma gauche. Je me rends compte que mes compagnons ont également entendu, interloqués, nous marchons sur le qui-vive, et soudain, nous discernons des mouvements, non pas des chevreuils, cerfs et leur harde, ou autres blaireaux déguerpissant, surpris par notre présence, mais des ombres et des silhouettes bleues casquées avançant en lignes dans notre sens.  Nous n’en croyons pas nos yeux, à force de voir des croix et ces sites massacrants, nos cerveaux nous joueraient-ils des tours ? En silence, les silhouettes avancent. Les rayons du soleil percent la canopée, frappant un éclat de verre, une canette de bière délaissée, un tesson éclaté ? deux éclats côte à côte symptomatiques des jumelles ! un observateur guette les lignes de silhouettes avancer avec précaution. Interdits, nous ralentissons, hésitant entre hallucination et réel, interrogation et suspicion de notre état de fatigue. Nous arrivons au niveau du porteur de jumelles pour découvrir, effrayés, une tranchée suivie d’une autre, toutes deux emplies de soldats, fusils et mitrailleuses pointées. Stupéfaits, devant la scène irréaliste, nous stoppons et attendons, devinons le scénario du temps passé sur lequel nous ne pouvons intervenir. Les fantômes se jouent de nous comme des fous avec notre imaginaire. Bam ! un tir ? la voiture nous suivant vient d’éclater un pneu sur un morceaux de vieux barbelé rouillé ou une queue de cochon oubliée là, retour à la réalité ! Nous nous arrêtons, « t’as vu ? – euh…- vous les avez vus ou j’ai la berlue ? – ben…oui…on les a vus - bon, on se rafraîchit la tête, on écoute les chants d’oiseaux et on continue  - mais on les a bien vus !  
          5km plus loin, en sous-bois, un panneau adjoint à une croix de pierre indiquent le cimetière allemand d’Apremont « Landwehr Infantrie Regiment 27 » ils sont 1111 unis à jamais. Au détours d’une courbe, nous débouchons enfin sur de lointains horizons. Je respire et respire encore pour tenter de me libérer de la pesanteur humaine des bois traversés, de cette pesanteur qui ne cesse de rôder autour de nous depuis les premières croix rencontrées. Là-bas, Apremont-sur-Aire 200e km, que nous devions franchir à la briqueterie et la ferme de l’Espérance de 1848. Réflexion faite, la proximité de Varennes-en-Argonne à 7km, moins d’une heure de marche, nous fait virer de bord cap au sud-est sur Varennes. Quelques kilomètres de plus ne nous feront pas de mal ! La distance d’un peu plus d’un Marathon nous sépare de Verdun. 
          La petite route de coteau longe la vallée de l’Aire. Voici les faubourgs de Varennes 207e km, passant devant le beffroi, sur une plaque une autre histoire nous interpelle : une plaque ; le 21 juin 1791 entre 11 heures et minuit furent arrêtés Louis XVI et la famille royale... encore une autre histoire. Mais nous allions découvrir le monument aux morts américains de Pennsylvanie, émouvant de par son style étonnamment grec antique de pierre et de marbre blanc, beau !
Nous quittons Varennes pour rejoindre joindre Cheppy 210e km; son cimetière sur le plateau en rase campagne de plus de 6000 allemands puis le monument des américains du Missouri tombés dans la région lors de l’offensive Meuse-Argonne, aux portes de ce village, dans ces vallons et ces pentes, ils furent nombreux à mourir sous l’acier. Une colonne granitique, une statue de bronze de Victoire, une couronne de laurier et un rameau d’olivier garde leurs mémoires. Une table et ses tabourets de pierre nous invitent à nous arrêter ravitailler, ce que nous faisons.        

          Vauquois nous attend 215e km ; la butte boisée surplombant le village est si paisible et suppliciée. Dire que cette colline a subit 519 explosions de mines, des hommes par milliers s’y sont affrontés, au tir à la grenade à la baïonnette au couteau, près de 14000 y sont restés, ont sauté, s’y sont volatilisés. La colline est une termitière de 22km de galeries, ses 290m d’altitude en faisait un observatoire exceptionnel. Le sommet actuel, suite ininterrompue de trous de mines,  est inférieur de 18m à l’antécédent, soit la hauteur d’un bâtiment de 6 étages réduit à néant…si un jour vous passez, montez-y, vous serez étourdis par ce lieu d’enfer…Occupé le 3 septembre 1914, ce site apocalyptique fut libéré par les américains plus de 4 ans plus tard. Au sud du village actuel à 500m en forêt de Hesse, la nécropole conserve 4368 soldats. Nous sortons de Vauquois par le vallon boisé de sapins qui rejoint la route de Varennes à Verdun, difficilement imaginable que de si beau paysages aient été témoins de tant de tueries.  Avocourt est à 5km.
          Plus haut, sur la carte, les américains ont leur mémoriaux, Romagne et Montfaucon-en-Argonne , aux 4 vents, les allemands sont  6169 et 2340 croix, Romagne et ses 1412 allemands et ses 14246 croix blanches américaines. Un certain Harry Potter a sa stèle blanche, rien à voir avec le personnage des films, ici, ce Harry-là est autrement plus puissant ! c’est du réel : Harry N.Potter du 135e régiment d’infanterie de la 35e division américaine est tombé le 28 septembre 1918 à Vauquois, il venait de Saint-Louis, Missouri, traversé par le Mississippi, temple du Blues. Harry semble bien, là, au milieu de ses 14000 « pays ».
« une détonation lointaine que je reconnais : artillerie lourde allemande. Au sifflement, je me rends compte tout de suite que l’obus vient droit vers nous. Je regarde Montfaucon et je vois, près de l’église, une gerbe de flammes et de fumée qui jaillit ». Maurice Genevoix- Ceux de 14.  
          En planifiant le circuit entre Google maps et calculitinéraires.fr, cherchant des détails sur Montfaucon, j'ai trouvé au pied d’un chemin blanc menant à la colonne américaine, une stèle isolée proche de la ferme du Fayel « A la mémoire du caporal Delpech et de ses camarades du 67e régiment d’infanterie tués sur ce terrain par un obus allemand le 2 septembre 1914 ». Cela m’a rappelé que mon grand-père maternel faisait partie de ce régiment et qu’il devait être dans les parages avec plus de chance que ce caporal. Mais le détour rallongeait sérieusement les 500km et un peu plus envisagés déjà bien étirés, j'ai du en abandonner l’idée.
          Autour, des champs, au loin, quelques reliefs, parfois une croix marque l’entrée d’un chemin blanc, christ en triste état, rouillé, ces champs ont vu tant de corps allongés ! les arbres sont au loin, très au loin, rien ne vient s’intercaler entre nous et eux, rien. Les plaisants villages de cette contrée ont été bouleversés par les artilleries sur des profondeurs de 4 à 6km, les humains ? hummm… dessous. Protégé par un jeune arbre, une croix de bois anonyme. Régulièrement, lors de creusements, de travaux, des ossements sont découverts et les fragiles recherches identitaires commencent.  Un nouveau calvaire, croix de fer rouillée, socle de ciment fendu, mousse installée. Un village, une ferme quelques maisons, un bâtiment gravé au centre de son à son chapiteau « mairie » « école » à droite, « pompes » à gauche, cela suffit à me demander s’il n’est pas temps de changer les miennes. Un carré de 1000 croix allemandes discrètement installées nous surprends. Lorsque la route nous paraît trop passante, que des aliénés de l'accélérateur nous inquiètent, nous nous réfugions sur une petite route parallèle échappant ainsi à la menace automobile et retrouvant la sérénité de marcher et nos allures de marcheurs routiers.
          Varennes, Cheppy, Avocourt, l’offensive américaine démarra d'ici pour 47 jours de combats , plus de 26000 d’entre eux tomberont près de 100.000 seront blessés…les nombres me font tournoyer l’esprit entre dégoût et colère. Le nez au vent, nous marchons au  milieu de ces milliers. Nous y allons au fur et à mesure des brides de l’histoire, des témoignages d’affrontements des survivants des tranchées et des assauts. Des milliers reculant face à la poussée d’autres milliers, des milliers a tomber, la première belle sensation de beaux paysages retrouvés est subitement sérieusement ternie.
          Panneau « il est très dangereux de s’éloigner des sentiers balisés et de s’engager dans les galeries souterraines », nous regardons en passant, de loin. Dans la vallon de la Buante, un blockhaus hexagonal intact surveille encore les pâturages, les vaches du coin peuvent paître tranquillement, elles ne serviront pas de cibles. Voici Avocourt , 100km parcourus en 14h depuis le petit-dèj’, vivement Verdun et une journée de repos ! Le cimetière français est sur la hauteur du village, plein champs comme souvent, 1896 croix des 2 guerres.
Plus on approche de Verdun, plus les croix se dressent. 
          Avocourt, 222e km, il est 20 heures, 100km parcourus depuis ce matin, et toujours le plus de 7 à l'heure. 28km nous séparent de Verdun, mais la terrible côte 304 et le Mort-Homme nous attendent, de là-haut nous plongerons sur Verdun. Nous entrons dans Malancourt en passant le ruisseau du Maucourant, courant certes, mais nous nous appliquons à marcher. Au loin se dessinent la forêt du Mort-Homme, la côte 304, le bois des corbeaux…noirs, non pas les corbeaux, mais ces bois sont noirs de sensations. Verdun et ses dragées est derrière, des dragées, ils en tombaient des sévères sur les soldats, en acier Krupp et de Wendel ! Nous approchons de nouvelles tragédies humaines que les grands horizons vont nous aider à absorber. A la sortie du village, se dresse dans un jardin un surprenant tepee. En tant qu’adepte de l'histoire des indiens d'Amérique, je m’en réjouit. Le Maucourant sinueux à nouveau franchi, voici l’abri fendu de Malancourt, un blockhaus allemand de mitrailleuse, transformé en monument à la gloire des défenseurs du village. Une plaque explicite indique : « A la mémoire des 6 compagnies du 69e régiment d’infanterie ( Division de Fer du XXe Corps) entièrement disparues du 30 mars au 5 avril 1916 pour la défense des villages de Malancourt et Haucourt et à leurs frères d’armes de la 79e division d’infanterie U.S. tombés au même emplacement en septembre 1918. Leurs camarades du Ralliement ». 80 survivants sur 1800…un spasme me parcours le corps. Une croix blanches et deux casques Adrien surmontent les restes du bunker quasiment explosé, deux gros obus au pied…pauvres hommes ! 150m plus loin, dans la courbe, stèle à Maurice Petit, 21 ans, Saint-Cyrien tombé le 5 avril 1916 à Haucourt…300m plus loin une plaque rappelle que le village de Haucourt, contingent à Malancourt, se situait là, où il n’y a plus rien. Encore 100m et avant le franchissement du ruisseau des Aunes, reculé dans un bosquet, une croix de pierre blanche, un christ, « en souvenir de mon fils Georges Bourguignon du 153e R.I. disparu à Haucourt le 7 avril 1916 à l’âge de 20 ans », pas de commentaires, juste une colère sourde contre les faiseurs de guerre ; nous montons vers les terribles forêts si pacifiques aujourd’hui.
Brel chantait « mort au champ d’horreur », nous y sommes jusqu’au cou à le traverser depuis le départ.
          Nous devinons de part et d’autres de la route, sous les centaines de sapins masquant le terrain, une terre tourmenté, déformée par des années de creusement de tranchées, de casemates, trous à rats, le tout savamment bombardé et toujours les hommes dessous, évaporés. L’endroit est magnifique de solitude à marcher, des sapins par milliers, à l’époque il n’y avait plus rien et plus 10000 bonhommes y sont tombés. Tacatacatac tactactac ! longue rafale, nous sursautons, ce n’est qu’un pic épeiche déchaîné sur son tronc d’arbre. 
          Panneau côte 304, là-bas, au bout de cette longue allée, entre deux rangées d’épicéas, je suis allé voir il y a quelques années, sur les traces de « mes pépés ». J’y entraîne mes compagnons, nul ne rechigne, nous marchons pour des mémoires perdues. Une clairière, un rond-point, le monument gravé REQVIES CANTIN PACE. Pas le moindre chant d’oiseau, cela m’avait interloqué. En sous-bois, des tranchées encore bien visibles, emplies d’épines de pin. On y marche en divagant comme sur un matelas de plumes. Mais attention ! 100 ans plus tard danger ! empruntant la trace de l’une d’entre elle, je me suis enfoncé sous les sapins, sur les pas de ceux qui l’ont emprunté avant moi, s'y sont terrés et enterrés casqués capotés armés. Par réflexe je donne un coup de pied rasant dans un monceau d’aiguilles pour en évaluer l’épaisseur…erreur ! horreur ! un morceau de ferraille apparaît, je me penche, je gratte un peu et le boîtier rouillé d’une grenade allemande surgit sous mon nez, j’observe l’engin, je suis tenté mais pas touche ! on ne sait jamais. Il doit y en avoir encore à profusion ça et là. Je préfère apercevoir une queue de cochon fichée avec son barbelé ; vaccin antitétanique à jour indispensable ! Panonceau stèle de Henri Gérard tué le 14.6.1940 50m , une autre guerre.
          « Dès que le tir s’est allongé, l’infanterie allemande s’est avancée en vagues, entre le boyau de la Joliette et le boyau des Serbes, dans un pli du terrain. Les tranchées de notre côté n’existent plus, presque tous les officiers et hommes sont enterrés, les mitrailleuses, les fusils brisés. La 1ère vague allemande est composée d’hommes qui vont le fusil à la bretelle, un rouleau de fil de fer dans la main gauche, une grenade dans la main droite, ils montent sur la cote 304 par le Nord. La 2e vague est composée de nettoyeurs. La défense est inhibée sur le front. Du bataillon Berthelon (droite du 68e R.I.), il n’est revenu que deux hommes. La fusillade et le feu des mitrailleuses menés par les débris des compagnies d’aile des bataillons Romary du 68e et Royné du 90e gênent sensiblement l’ennemi, le prennent de flanc, lui font subir de lourdes pertes et renoncer à élargir son cheminement vers la cote 304.(…. )

Côte 304, son altitude a été amenée à 297m à force d’obus…Nous repartons de ce lieu maléfique pour déboucher sur les hauteurs cultivées d’Esnes.
          Un repli de terrain nous permet d’apercevoir les Hauts de Meuse et la forêt de Verdun. Un carrefour avec deux arbres protègent le mémorial aux morts de 1914 puis 1916 du 173e R.I. « le régiment des corses » de Bastia Ajaccio Corté Calvi Bonifacio Sartène « Aio zitelli ! » 3541 îliens y laisseront leurs vies. Surprise, l’ami Georges d’H. nous attend, les retrouvailles sont tonitruantes. Quelle magnifique surprise il nous fait l’homme de Balagne. Il nous accompagnera jusque Verdun, et nous nous offrirons une de ces bières à la Châtaigne dont la Corse tient le secret. Philippe le breton nous rappelle 2008, lors du Colmar par étapes avec Patrick Georges Fred et Elisa, un sacré morceau de bravoure ! La petite route domine les toitures d’un village, nous descendons tranquillement, conversant. Esnes 235e km, l’un d’entre nous rappelle que cela correspond à peu de chose près à la distance du premier tronçon des ex Paris-Colmar, arrêt 2h à St Dizier ou Sermaize…nous nous en distrayons. Dans le dernier virage avant l’entrée du bourg, 2 monuments ; l’un en respect aux 183 marsouins tombés aux alentours et dans les rues du bourg du 23e régiment d’infanterie coloniale et 3e « bigors » de l’artillerie coloniale qui se sont sacrifiés ici le 14 juin 1940,  l’autre à la 76e Infantry Division ces soldats d’Outre-Rhin tombés là en 40, les guerres se suivent et se rencontrent.
          Esnes a sa nécropole, ils sont 6661. Il nous reste moins d’un semi-Marathon avant d’entrer dans Verdun. Nous profitons d’une pause ravitaillement léger à Chattancourt  pour monter au site du Mort-Homme. L’endroit avait perdu 10m de hauteur. Le Mort-Homme, un nom à faire frémir et pour cause. Le soldat-squelette drapé en porte-drapeau vous accueillant gravé à ses pieds d’un « ils n’ont pas passé » est saisissant de réalité. La forêt a remplacé effacé le cratère en éruption sous les coups des artilleries. L'ennemi de l’époque avait mis un mois pour s'emparer de la crête du Mort-Homme, il ne pu jamais descendre dans le village à 2km, puis fut repoussé d'où il avait démarré... Cette colline est imprégnée de chair et d’acier. Le Mort-Homme : Qui que tu sois, français qui passe, arrête-toi et salue ; laisse un peu de ton cœur à ceux qui sont morts ici pour toi. Ils sont plus de 1700 des 2 guerres dans la nécropole. Nous quittons cette ligne de front dévoreuse de vies. Montzéville, Vignéville, Béthelainville, s’ensuivent, à Sivry-la-Perche nous virons plein est.             
          Dominés par les forts de Sartelles et de La Chaume, nous filons dru. Le cimetière de Glorieux ses 4244 corps à 3500m de notre lieu final, moins de 9 tours de piste !
Verdun enfin ! 250e km. Ville étape. Nous sommes à mi-parcours; bien que la piste rouge du stade du parc de Londres soit plus accueillante, nous décidons d’arriver au stade Galavaude à la piste grise, en mémoire de Jean Bouin, ce coureur exceptionnel, sextuple recordman du monde tué à l’été 14. Le ciel est clair, la nuit sera étoilée, la Meuse tranquille va nous apaiser des moments sombres passés de la journée. Nous nous rendrons ensuite au parc de Londres, avant d’aller nous restaurer et nous reposer. Demain, journée de détente. Nous monterons à Douaumont, son ossuaire et ses 130000 victimes entassées inconnues, ses 16142 tombes, le champ de bataille arboré, reverdi, les forts, le terrain bouleversé de trous d’obus, d’entonnoirs, de tranchées où les fleurs, entêtées, sont revenues. Nous descendrons aux Eparges et ses 78 mines explosées, les bonhommes en l’air ou engloutis dans la boue.

          En attendant, nous nous rendons prendre une mousse à la taverne irlandaise où nous allions chaque année lors de la belle épreuve de La Voie Sacrée.

La nuit sera bienfaitrice.

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Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador)
J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France)
“Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char
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Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.


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MessageSujet: Re: 1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5 Bazancourt Verdun   1918-2018 en leurs mémoires (fiction) 5  Bazancourt Verdun EmptyMar 29 Mai - 11:22:53

Bonjour à tous,

Chapeau bas à Bernard...sa passion est immense, son travail de recherche incroyable.

DB
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