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 1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction) 2

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THANRON Bernard
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1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction)  2 Empty
MessageSujet: 1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction) 2   1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction)  2 EmptyVen 25 Mai - 8:47:23

1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction)  2 150802
En route marchons !
           Bastille République à pied, vous connaissez ? 2 petits kilomètres séparent les deux places, c’est donc ce soir notre mise en jambes avant le grand départ. Bastille-République à pied, ce n’est pas sorcier, il y a bien la ligne 8 du métro, mais parcourir les 3 boulevards d’affilée, le plaisir est tellement plus raffiné, et quant à être transporté 6 pieds sous terre ou dans les airs, ne m’inspire pas.
          Combien de fois avais-je arpenté les bitumes de Beaumarchais, des Filles du Calvaire et du Temple, banderoles rouges et noires déployées, chantant, scandant nos chants rêvés éludant un hymne trop guerrier. Sans parler de ces « grands boulevards » dix fois cent fois investis. Mais aujourd’hui c’est Bastille-République à pied pour amorcer notre épopée dont il s’agit, le menu de demain sera marche, marche, marche, rêves et parfois hallucinations. Nous allons marcher du lever au coucher du soleil voire moins voire plus plus, chaque jour durant 7 jours ou presque.
Notre groupe bigarré réunis au pied de la colonne de juillet attire quelques passants qui s’interrogent sur notre présence et notre démarche. Nous leur développons ce morceau d’histoire où des millions d’être humains ont été tués pour cause de rivalités. Pour l’anniversaire de la fin du grand abattoir humain de la Grand Guerre, nous avions décidé de rejoindre l’Alsace à pied ( par là même un parallèle sportif aux légendaires Paris-Strasbourg et autre Paris-Colmar, mêler la marche et l’histoire m’a toujours semblé si naturel )  en suivant à peu près une ligne de front de l’époque, déterminée sur les cartes. 
          Les gens intéressés nous photographient, d’autres nous enregistrent, nous interrogent sur le parcours choisi, sur le lien commémoration historique-sport, sur les Paris Strasbourg et Colmar, prennent des notes sur leurs calepins à spirales ;  une infime sensation prémonitoire que « des évènements indépendants de nos volontés » vont se développer autour notre affaire de marche commémorative s’installe au fond de nous. Boulevard Beaumarchais Boulevard des Filles du Calvaire suivit du Boulevard du Temple, salles de cinéma, magasins d’appareils photos, boutiques de motos, Cirque d’Hiver, librairies, terrasses de bistrots, il y a tout ce qu’il nous faut pour nous distraire, nous en profitons car dans les jours à venir, certains paysages à traverser vont nous attrister à pleurer ! Tout au long des 3 boulevards , nous serons interceptés, questionnés, encouragés, remerciés ; il en sera de même place de la République, une journaliste-pigiste, dictaphone en main, nous enregistre sans en préciser plus. Ce soir-là, une singulière atmosphère nous enveloppe insensiblement. 2km de Bastille à République, 2km à communiquer, échanger, transmettre, 2km…pas de chrono, seuls nos accoutrements sportifs et nos allures de marche rapide déclenchent spontanément les questions, alors nous nous arrêtons pour une belle  conversation. Boulevard du Temple, « boulevard du crime » nous passons devant le théâtre libertaire Dejazet, lors de la semaine sanglante de la Commune de Paris, s’élevait ici une barricade, des barricades nous allons passer aux tranchées, notre périple historique commence dans le Paris insurrectionnel où des hommes et des femmes sont tombés au nom de leur liberté, des hommes et des femmes tombés, nous allions en rencontrer. Le soir envahit l’ancienne place du Château d’eau, aujourd’hui de la République, nous nous enfournons dans les véhicules suiveurs, en route pour Compiègne où nous passerons la nuit.
            31 juillet à l'aube, clairière de Rethondes en forêt de Compiègne ; notre groupe pas plus nombreux que les doigts des deux mains, est réuni autour d’une fourgonnette sombre, d’autres véhicules sont garés ça et là. A cette heure de potron-minet, les volets du musée de l’armistice sont tirés. Le chant des oiseaux et les voix humaines semblent s’orchestrer. Les rayons du soleil levant, perçant les frondaisons des arbres alentours, viennent illuminer la place où trônait jusqu’en 1940 la voiture 2419D de la Compagnie des wagons lits où a été signée un armistice sur 4 ans de guerre et ces millions de morts, de blessés, de mutilés, de disparus nullement intéressés à l’affaire.
Nous nous observons, échangeons quelques boutades, une semaine à marcher, cela pourrait en faire tressaillir le non-initié, mais nous savons que d’autres avant nous, maintenant, voire plus tard, ont marché beaucoup plus longtemps dans des conditions autrement plus périlleuses, échappés, rescapés, émigrés, pour sauver leur peau, alors une semaine avec pour seule inconnue la météo…et puis rejoindre l’Alsace à pied, on a déjà fait.
          Ce devait être la Der des ders, mais…le temps passe et rien ne change, les guerres se sont exportées dans d’autres contrées. Nous allons marcher , pour ces hommes et femmes de 14-18 détruits, leurs enfants orphelins ; nous allons en voir, des croix et des croix, des monuments, des statues ! marcher au milieu de dizaines de milliers de fantômes nous aura transformé à l’arrivée.
          31 juillet, 5h15 du matin, les 5 marcheurs nous démarrons. 5 marcheurs, 1 par année de « la Grande Guerre » comme elle fut surnommée dès sa première année, avec deux g majuscules s’il vous plaît, comme Génocide. Nathie l’infirmière, Elisabeth, Frédéric le compostellien, Philippe le breton et moi, des invités surprise nous rejoindront en chemin.
Nous quittons la clairière par la D546 direction le Francport, franchissons le pont sur l’Aisne avant le restaurant de l’Armistice et son ambiance jazzy. Dans cette vallée de l’Aisne, sur la D81, verte à souhait, bordée de bois, en file indienne, nous adoptons le style grand fond, 7, 7.2, 7.5km.h, nous percevons de loin les véhicules arrivants ; entendre, percevoir, écouter sera notre sécurité. Nous entrons dans Rethondes, passant devant le bar tabac épicerie Grand Maréchal - Maréchal shop ( Grands Soldats m’aurait mieux plu, mais …) , apercevant le panneau indicateur de Tracy-le-mont, je me souviens que  sur la hauteur, ils sont plus de 3000 sous des croix ; les croix, nous les rencontrerons ou les devinerons par dizaines de milliers. A la sortie du bourg, une belle ligne droite s’offre à nos yeux, d’instinct sportif, nous allongeons les pas le paysage est  bucolique. Berneuil-sur-Aisne, par sûreté, nous empruntons les trottoirs, il en sera de même tout au long des bornes dès que cela nous sera nécessaire pour notre sûreté. Le panneau Nampcel nous rappelle que plus de plus de 11000 allemands s’y trouvent, notre chemin de mémoire et l’amoncellement monstrueux des chiffres  de victimes des deux camps, commence pour nous dans la vallée de l’Aisne, les autres cimetières s’égrènent jusqu’à la mer du Nord Newport l’Yser et vers la frontière Suisse. Moulins-sous-Touvent est indiqué, là-haut est le tertre de la Butte aux Zouaves « le champignon » et 200 des leurs côtoyant près de 1900 allemands. A la sortie de Bitry, 14e km, s’élève une curieuse chapelle surmontée d’une croix, une ambulance y était établie en septembre 14, en 17, puis au dernier été de la guerre en 18. Entrée de Vic, 17e km, plus de 2000 croix blanches nous accueillent, ils sont plus de 3000 au total, les 1000 autres en ossuaire…là-bas, de l’autre côté de l’Aisne, la nécropole d’Ambleny rassemble plus de 11000 de leurs copains ensevelis. Nous marchons.
          L’accumulation des nombres va nous mener plusieurs fois à la nausée et le dégoût des va-t-en guerre et leurs équipages. D13 direction St Christophe-à-Berry, nous avançons à 2km de la 1ère ligne de front française de 1914 puis 1918, sur la droite, nous passons devant une stèle gravée 1914 1915 rappelant la mort des soldats du 47e régiment d’artillerie, je me dis que nous allons en voir d’autres, beaucoup d’autres au long de notre parcours, que l’atmosphère s’alourdira au fur et à mesure de l’avancée mais que de beaux paysages nous attendent, ce qui nous mettra un peu de baume au cœur…les bornes kilométriques implantées nous rappellent les temps où nos équipiers prenaient des chronos afin de gérer nos avancées sur feu Paris-Colmar, une sacré belle histoire ! nous ne prenons pas de chronos…ici, nous montons vers le front.
          Berry, 20e km, nous bifurquons 1ère droite dans le bourg, D138 panneau bleu lieu-dit Vingré panneau monument des fusillés à 150m… plus avant, sur notre gauche, stèle des martyrs de Vingré : ici le 4 décembre 1914, un général a fait fusiller 6 soldats…pour l’exemple, le général décideur de l’exécution des pauvres troupiers était un de ces descendants de ces antiques familles de la chevalerie ; décoré archi décoré de breloques par ses pairs, monté sans peine dans sa hiérarchie, le bonhomme est décédé tranquillement en sa douce terre angevine…lui ; honte à ces infâmes. Pour les âmes de ces pauvres soldats, nous décidons de nous arrêter une minute de silence envers ces massacrés sur ordre ; nous leur déposons un petit bouquet de violettes : dans ce champ sont tombés glorieusement  le caporal Floch les soldats Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault du 298è R.I fusillés le 4 décembre 1914, réhabilités solennellement par la cours de cassation le 29 janvier 1921, hommage des anciens du 298è R.I. A la mémoire de leurs camarades morts innocents victimes de l’exemple ».
Nous voici dans le village, 1ère droite direction la croix brûlée et les creutes de  Confrécourt, surnommées l’hôpital ; à 6km du front, l’endroit fut un refuge salvateur pour recevoir jusqu’à 400 blessés. En 14, l’invasion a investi le site, promontoire parfait avec vue panoramique totale sur la vallée de l’Aisne puis, la 1ère bataille de la Marne tournant à l’aigre pour eux, l’envahisseur a reflué. Les français sont revenus tenir la position, l’adversaire a voulu reprendre la ferme, en vain. Plus de 1500 allemands sont enterrés dans les champs alentours, nous traversons leurs rangs…dans ces environs, ce dès septembre 1914, des régiments, des escouades ont refusé de remonter à l’assaut, les juges militaires s’en sont occupés… deux hommes ont été fusillés pour désertion, d’autres condamnés au bagne, mater les indociles pour mieux mener la masse, l’ordre militaire était à son affaire, c’est ça la guerre.
          Nouvron 25e km, la rue de Coucy nous conduit sur ce plateau de mort, l’horizon est vide, pas  arbre qui vive, les champs de culture industrielle ne s’embarrassent pas du bucolique, de haies et autres bosquets refuges d’oiseaux et moult animaux, le moindre m2 est exploité. Nous nous approchons à 3km du front. D17 à droite direction Tartiers, d’un côté le plateau de l’autre la vallée, des dizaines de pneus de tracteurs abandonnés…une odeur pestilentielle de décomposition assaillit nos narines, je bloque ma respiration et passe devant ce lieu d’ensilage de m…. en apnée !  mes compagnons se pincent les narines où toussent de dégoût. Cela nous rappelle un 6 heures où nous passions  à chaque tour devant un tas d’ensilage plein soleil, une merveille ! c’est sans doute là que nous avons appris l’apnée. Le paysage a été nivelé par le labeur des tracteurs, de l’été 14 à 1917 les artilleries s’étaient chargées des labours, terre et les hommes dans leurs tranchées, mêlés à l’acier, dessous, grandes attaques en ligne baïonnette au fusil contre mitraillage à gogo et des multitudes tombaient. Nous marchons. Tartiers traversé 28e km, D6 puis D1620 Bieuxy et cet horizon sans horizon, sans âme ou plutôt si, avec des milliers d’âmes oubliées. Le village atteint nous retrouvons un peu de bocage. D428 nous sommes a couvert des vents dominants, voici Bagneux, la route magnifique nous ramène sur le plateau ,  Juvigny 35e km carrefour D1, Terny-Sorny 40e km, il s’agit de la route de Soissons, attention ça déboule, les automobilistes n’ont cure des marcheurs à 7km.h !
          Singulièrement, nous passons non-loin d’un Clamecy, non celui que je connais près de chez nous où nous allons écouter des concerts de Blues, mais de Clamecy « Clamecius, un général romain ayant établi avec ses légionnaires « pédibus gambus » un camp sur ces lieux il y a bien longtemps. Ce Clamecy de l’Aisne baigne dans l’histoire depuis 2000 ans…et nous dedans. Le village a été entièrement dévasté en 14-18,  la rue de la vallée nous permet de rejoindre la D53 serpentant à flanc de coteau ; ça et là apparaissent les traces d’anciennes carrières, là-dessous, la craie règne, des hommes s’y sont abrités des intempéries pour les plus chanceux et des obus pour les autres. La présence de quelques chevaux, curieux de notre passage pédestre annonce le haras de Montgarny ; nous passons 3km sous Vauxaillon et sa ferme d’Antioche où a stationné Guillaume Appolinaire : Lettre à Lou, 30 janvier 1915…Là-bas au loin, la ferme d’Antioche. Non loin du village, 1909 bonshommes en ossuaire et sous des croix blanches bien disposées et en première ligne, 169 autres de 1940, la guerre suivante.
La D537 montante à flanc de pentes boisées nous mène sur le village de Laffaux; au débouché sur la hauteur, s’offre à nos regards une stèle blanche, 7 marches une fourragère de fer René Trochu 1917, le jeune est tombé ici à 19 ans le 7 avril, derrière le petit monument, un champ immense. L’hiver 17 fut pénible et rigoureux, ce matin où nous passons, il fait bleu d’été, une alouette tire-lire dans le ciel. Ni coquelicot ni bleuet à déposer au pied du soldat, les défoliants ont œuvré. Nous bottelons quelques épis de blé afin de les placer sur le plus haut degré des marches blanches. Un temps de recueillement puis nous repartons vers les milliers d’autres qui nous attendent. A cet endroit, nous franchissons la distance du Marathon, Marathon, une autre histoire de casques, lances, glaives, arcs, boucliers et course à pied. Curieusement, une inattendue chute de température nous surprend mais dans nos mouvements, nous n’y prêtons pas attention, pourtant l’alouette entendue a disparu.
          Laffaux traversé, la silhouette du monument des Crapouillots s’affiche sur l’horizon. 45e km, une plaque informe le passant : ici, le 14 septembre 1918, fusiliers-marins, fantassins, marocains enlevèrent définitivement le paysage promontoire truffé de tranchées, aux prussiens. Le site alentours est d’une infinie tristesse. Quel bizarre regroupement hétéroclite que ces monuments présents déménagés de leurs emplacements initiaux par les planificateurs de réseaux routiers au nom du passage de la nouvelle N2. Il en résulte une singulière impression de vitrine exposition sans âmes, celles-ci sont restées à errer plus loin. Les noms gravés ne sont pas tombés ici, l’ omnipotente reine automobile les a écartés.
            Il est proche de midi, le plus de 7km.h a été tenu, nous décidons d’entrer nous réconforter au restaurant du Moulin. La carte annonce rognons, andouillette, merlu, canard à l'orange, agneau curry, escalope à la crème, steak ou steak haché, steak Tartare, Maroilles fermier, bière Mouss’tache, cette blonde est presque ambrée, le goût long en bouche est splendide ! Un plat choisi à l’envie, nous le  dégustons et savourons le houblon Mouss’tache. Ce n’est pas assurément une alimentation de sportif mais nous ne sommes pas en compétition mais en commémoration, alors ! L’après-midi qui nous attend sera long jusque tard en soirée, alors profitons ! Il nous semble entrevoir quelques flocons tournicoter mais nous nous rassurons, ne serait-ce pas qu’une simple illusion d’optique ? La suite nous prouvera que non.
Laffaux et son moulin est l’un des noms « phares » de cette époque de plus de 3 ans de  combats à ce fichu Chemin des Dames , au même titre que Craonne. Craonne Laffaux, ces deux noms reviennent sans cesse sous les plumes des écrivains de l’époque. Nous en discutons entre nous. Laffaux Craonne, sur la carte, c’est 27km parmi les ombres du passé, un étrange voyage initiatique assuré.  
Louis Aragon l’immortalise en 1942 dans « Les yeux d’Elsa »:
«Créneaux de la mémoire, ici nous accoudâmes
Nos désirs de vingt ans au ciel en porte à faux.
Ce n’était pas l’amour, mais le chemin des Dames,
Voyageur, souviens-toi du moulin de Laffaux »


Georges Duhamel dans « Civilisation » . (avril 1918 prix Goncourt )
« Une position comme le moulin de Laffaux, c’est une épine au fond d’une plaie : ça entretient l’inflammation ».

Roland Dorgelès dans « Le Réveil des morts (1923) » va de Laffaux à Berry-au-bac où nous passerons.
Rien n'eut raison de leur endurance. On rentrait à Craonne, on remuait la terre à Laffaux, Berry-au-Bac commençait à revivre, et à Sancy, où le mur le plus haut se dépassait de la tête, des hommes sortaient les morts des caves pour y dormir. »


Avec : la Marne, Verdun, l’Argonne, la Somme et Ypres, le Chemin des Dames demeure l’un des grands champs de bataille de la guerre 1914-1918. Son nom est surtout associé à l’offensive française du printemps 1917, mais il y eut d’autres combats au Chemin des Dames. Quatre ans durant, dès les premières semaines de guerre et jusqu’aux derniers jours du conflit, des hommes sont tombés, par dizaines de milliers, sur les flancs ou sur les crêtes du fameux plateau.

Passant…
Passant, arrête et recueille toi un instant en souvenir de nos camarades tombés à cet endroit.
Passants souvenez-vous, passant souviens-toi, passant, recueille toi à la mémore…
For the journey is done and the summit attained
Inconnu
Known to God

Ein unbekannter Deutscher krieger
In dieser graberstatte ruhen...
When you see only one set of footprints It was then that I carried you
Sadly missed never forgetten
Many waters cannot quench love (pour des infirmières)
Ô combien allons-nous en découvrir de ces citations gravées dans la pierre…

          Eté 1914 déjà plus de 300000 morts et 400000 blessés des 2 côtés, printemps 1917 la guerre supposée éclair a cédé la place à l’enlisement des camps, alors imaginez les hommes qui vont y basculer ! en marchant, nous allons rencontrer leurs ombres, les dépoussiérer du temps qui passe et de l’oubli, c’est pour cela que nous sommes là. A peine le sas de l’auberge franchi qu’une bourrasque de neige nous assaille, il gèle, il neigeote, nous allons donc arpenter le Chemin des Dames dans les conditions météo de l’époque... nous échangeons nos tenues bariolées quasi-estivales inappropriées à la température, au profit de collants molletonnés, gants bonnets et vestes polaires autrement plus confortables à marcher; bien nous en aura pris comme nous le constaterons plus tard sur le Chemin qui va nous infiltrer.
          31 juillet, maintenant, il neige dru, nous sommes incrédules, étonnés, car ne sommes-nous pas en plein été ? Les hommes ont tant et tant manipulé la Nature à leurs mots sacrés de développement croissance exploitation à outrance profit bénéfices concurrence que la Dame s’en est offusqué et que de nos jours, c’est elle qui mène la danse. « Je pleut » neige grêle vente brille quand je veux. Si les animaux se sont vite adaptés, les humains ne comprennent toujours pas ce qui leur arrive sur le coin du nez. La taloche et le retour de boomerang sont sévères. Dame Nature est maîtresse sur sa Terre, des hommes elle a trop souffert, elle leur fait  donc « naturellement » payer la note, et elle est salée ! retour de boomerang, bang bang !
          Après avoir considéré le monument des Crapouillots, érigé à la mémoire des 12000 artilleurs de tranchées tombés; le froid et le vent du nord-est établi, nous nous ébranlons vers ceux qui nous attendent et vont nous surprendre au long du parcours, d’abord en direction du Chemin des Dames puis plein est. Avançant à l’ombre de deux rangées d’arbres, nous passons devant le monument du régiment des fusiliers marins de Lorient, dont plus de la moitié périra dans le conflit, imposant bloc de granit breton déplacé de son lieu d’origine (carrière de Fruty) au nom du passage de la N2…le respect de la mémoire n’arrête pas les architectes routiers…  Nous longeons l’endroit des tranchées allemandes de l’Âpreté, du Cafard, de Thiberge (les noms des tranchées sont souvent à la fantaisie de leurs terrassiers) la 1ère ligne française se trouvait à proximité,  pour parvenir au rond-point de la D18CD, 49e km, panneau Pargny-Fillain, Vailly-sur-Aisne, Craonne, Caverne du Dragon, Chemin des Dames, lac de l’Ailette, et le plus fâcheux à mon avis : Center parc Aisne, business is business, money money…avoir édifié un tel site sur le lieu de tant de morts plutôt que de leur offrir un vert décor…les hommes d’argent et de béton n’ont pas d’âmes, quant au respect des mémoires... la route est blanche, de bons pas nous marchons.
          De l’autre côté de la 4 voies se trouvent le ravin des Gobineaux et l’Ange-gardien. De Laffaux à Berry-au-bac, j’ai fouillé l’histoire. En octobre 17, deux écrivains s’y trouvaient ; Jean Giono le provençal « voyageur immobile » comme il se désignait, Artois, Champagne, Les Eparges, Verdun, la Somme, le Chemin des Dames Hurtebise, Laffaux, gazé au mont Kemmel en 18, il deviendra par réflexion viscéralement pacifiste ( comment ne pas le devenir après avoir perdu les copains, survécu à ce jeu de massacre et être revenu de tant d’horreurs ? ). Il écrira plus tard « la boucherie en plein soleil des attaques Nivelle au Chemin des Dames,… j’ai 22 ans et j’ai peur… Je le découvre et apprécie ce récalcitrant au pouvoir aveugle. C’est ainsi qu’à force de fouiner dans les recoins tus, cachés, oubliés à cause du temps qui passe ou délibérément, je découvre Célestin Freinet, auteur de Touché. Souvenirs d’un blessé de guerre. Blessé le 23 octobre d’une balle au poumon lors d’un assaut aux Gobineaux, Célestin restera hospitalisé 4 années (gardant des séquelles respiratoires jusqu’à sa mort, comme l’un de mes grands-pères). Devenu instituteur il cherchera à faire de sa classe un atelier, laissant plus d’autonomie et d’initiatives aux élèves, un pionnier !
récit de Célestin Freinet rédigé à partir des notes de ses carnets de campagne.
- « Ma belle canne en serpent que j’avais coupée à Vrigny, je l’ai perdue. Je la cherche désespérément, pressentant l’immense malheur... Oh ! J’en suis sûr, si je l’avais retrouvée, je serais encore comme vous, et je chanterais et je rirais... je ne serais pas un pauvre mutilé.
Je marchais droit devant ma ligne de tirailleurs, regardant, sur la côte en face, monter le 2e bataillon, précédé du feu roulant.
Un coup de fouet indicible en travers des reins: «Pauvre vieux... c’est ta faute... Il ne fallait pas rester devant... tu n’aurais pas reçu ce coup de baïonnette.» J’ai ri - je croyais qu’un soldat m’avait piqué par inadvertance, et je voulais l’excuser - j’aurais voulu cacher ma douleur... je suis tombé... Qu’elle était bête cette balle!
Par le milieu du dos, le sang gicle... Ma vie part avec... je vois la mort s’avancer au galop... Je n'ai pas voulu m'évanouir et je ne me suis pas évanoui... j'ai voulu me lever: j'ai rassemblé toutes mes forces; je n'ai pas bougé... Ma poitrine est serrée dans un étau.
Couché sur le brancard, j'ai senti qu'il pleuvait. L'aéro de la mission rasait le sol. Mon casque est tombé.
Le médecin de bataillon est tout rouge de sang - un boucher. Dans le trou où j'attends un autre crie... on vient... Oh! Que de blessés!...
Je grogne. Les Allemands (affectés au service sanitaire) qui me portent s'arrêtent. Ils cherchent des épingles anglaises pour me couvrir de deux capotes... Ils me remportent le plus doucement possible.
Des tanks énormes vont à la bataille. Un blessé léger s'en va clopin-clopant vers l'arrière... que je l'envie!...
Me voilà revenu à mon point de départ, à 1500 mètres du nouveau front. Que suis-je allé faire là-bas ? »





1918 - 2018 - En leurs mémoires lointaines ou (fiction)  2 66292Nous voici au rond-point de l' Ange-Gardien, le Chemin des Dames va nous happer.
  

_________________
Moi, je préfère la marche à pied (Henri Salvador)
J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence (Anatole France)
“Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” [i]René Char
[/i]
Ne crains pas de marcher lentement, crains seulement de t'arrêter.
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